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Le message d’un salarié lié à son activité professionnelle et envoyé aux temps et lieu du travail n’a pas un caractère privé

Selon un Arrêt de rejet de la Chambre sociale de la Cour de cassation rendu le 02/02/2011, le message électronique envoyé par le salarié aux temps et lieu du travail, qui est en rapport avec son activité professionnelle, ne revêt pas un caractère privé et peut être retenu au soutien d’une procédure disciplinaire à son encontre. L’employeur qui constate que le salarié l’a insulté dans un e-mail et annoncé son absence non autorisée alors même qu’il venait de faire l’objet d’une mise à pied disciplinaire pour des absences injustifiées, peut prononcer le licenciement pour faute grave du salarié.

Plan :

  1. Analyse de la décision de jurisprudence
  2. Arrêt de la Cour de cassation, Chambre sociale, rendu le 02/02/2011, rejet (09-72313)

Analyse de la décision de jurisprudence

Depuis l’arrêt Nikon de 2001, qui reconnaissait à tout salarié le droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée et au secret des correspondances, la jurisprudence a évolué et des atténuations à ce principe ont été apportées. Dix ans après, les employeurs comme les magistrats sont confrontés à plusieurs phénomènes : l’accroissement de l’utilisation à vocation personnelle du web au travail par les salariés, et la connaissance des salariés de la réglementation applicable au secret des correspondances identifiées comme privée sur le lieu de travail.

Dans un attendu de principe, la Cour de cassation a, le 2 février 2011, considéré que le courriel « envoyé par le salarié aux temps et lieu du travail, qui était en rapport avec son activité professionnelle, ne revêtait pas un caractère privé et pouvait être retenu au soutien d’une procédure disciplinaire à son encontre« . Ce principe est confirmé dans un second arrêt rendu le même jour dans une affaire différente.

En l’espèce, un salarié avait, dans un courriel adressé à sa compagne, insulté sa hiérarchie et annoncé son absence à son poste de travail l’après-midi. Le courriel litigieux avait été malencontreusement transmis par le salarié en copie à une salariée de l’entreprise. L’entreprise disposant d’un dispositif de surveillance électronique des e-mails échangés en interne, l’employeur a été informé du contenu de l’e-mail par le fait même de l’intéressé.
Etant donné que le salarié avait déjà fait l’objet d’une sanction disciplinaire pour absence injustifiée, l’employeur engagea une procédure de licenciement pour faute grave.

Le salarié reproche à l’employeur d’avoir mis en oeuvre un procédé de transmission automatique des courriels, dont ni l’existence, ni le moyen de le neutraliser, n’avaient été portés à sa connaissance. La Cour d’appel le déboute de sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture.

Dans son arrêt du 2 février 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation constate que le juge du fond a relevé que le courriel litigieux avait été malencontreusement transmis par le salarié en copie à une salariée de l’entreprise, de sorte que l’employeur en avait eu connaissance par le fait même de l’intéressé.
Sans se prononcer sur la légalité de la procédure informatique de surveillance des e-mails, la Cour estime que le message, envoyé par le salarié aux temps et lieu du travail, qui est en rapport avec son activité professionnelle, ne revêt pas un caractère privé. Dès lors, il peut être retenu au soutien d’une procédure disciplinaire à son encontre.

Etant donné qu’en l’espèce le salarié avait insulté son employeur et annoncé son absence non autorisée alors même qu’il venait de faire l’objet d’une mise à pied disciplinaire pour des absences injustifiées, la Cour confirme que l’employeur était en droit de considérer que le comportement du salarié justifiait la rupture immédiate de son contrat de travail.

 Arrêt de la Cour de cassation, Chambre sociale, rendu le 02/02/2011, rejet (09-72313)

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Colmar, 6 mars 2008), que M. X…, qui avait été engagé par la société Piscines Waterair en qualité de téléacheteur suivant contrat à durée déterminée du 2 mai au 28 octobre 2005, a été licencié pour faute grave le 29 juillet 2005 pour avoir, dans un courriel adressé à sa compagne, insulté sa hiérarchie et annoncé son absence à son poste de travail l’après-midi, malgré une précédente sanction disciplinaire pour absence injustifiée ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de dommages-intérêts au titre de la rupture ;

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de sa demande alors, selon le moyen :

1) – Que si l’employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en œuvre un dispositif de surveillance clandestin et à ce titre déloyal ; que M. X… faisait valoir, en ses écritures d’appel, délaissées de ce chef, que l’employeur n’avait pu prendre connaissance du courriel litigieux que par la mise en œuvre d’un ordre de transmission automatique dont ni l’existence, ni le moyen de le neutraliser, n’avaient été portés à sa connaissance ; que la cour d’appel qui n’a pas répondu à ce chef pertinent des écritures d’appel de M. X…, dont était susceptible de se déduire l’illicéité des moyens de preuve avancés par l’employeur à son encontre, a entaché son arrêt d’un défaut de réponse à conclusions et l’a privé de motif en violation de l’article 455 du Code de procédure civile ;

2) – Que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée et au secret des correspondances dont l’employeur ne peut prendre connaissance ni utiliser à son encontre ; que la cour d’appel ne pouvait écarter le caractère privé du courriel litigieux, tel que le revendiquait M. X…, par un motif inopérant déduit de ce que celui-ci avait été involontairement communiqué à un tiers, sans s’expliquer sur son objet et sa destinataire ; qu’en l’état, elle a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 9 du Code de procédure civile, de l’article 9 du Code civil et de l’article L1121-1 du Code du travail ;

3) – Qu’un fait de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire ; que la cour d’appel ne pouvait qualifier de faute grave l’injure non individualisée contenue dans un courriel destiné à un tiers dans l’entreprise sans caractériser le trouble suscité en celle-ci ; qu’à défaut, elle a privé sa décision de base légale au regard de l’article L1243-1 du Code du travail ;

4) – Que le fait pour un salarié de s’en tenir aux prescriptions d’un médecin qu’il a consulté n’a pas un caractère fautif, en l’absence d’un certificat de complaisance ; que la cour d’appel qui constate que l’absence, même annoncée, de M. X…, a été justifiée par la production d’un certificat médical ne pouvait à nouveau, sans priver sa décision de toute base légale au regard de l’article L1243-1 du Code du travail, déduire de cette absence l’existence d’une faute grave sans caractériser le caractère complaisant du certificat médical produit par M. X… ;

Mais attendu, d’abord, que la cour d’appel, qui, sans avoir à entrer dans le détail de l’argumentation des parties, a relevé que le courriel litigieux avait été malencontreusement transmis par le salarié en copie à une salariée de l’entreprise, a constaté que l’employeur en avait eu connaissance par le fait même de l’intéressé ;

Attendu, ensuite, que le message, envoyé par le salarié aux temps et lieu du travail, qui était en rapport avec son activité professionnelle, ne revêtait pas un caractère privé et pouvait être retenu au soutien d’une procédure disciplinaire à son encontre ;

Attendu, enfin, que la cour d’appel, qui a relevé que le salarié avait ainsi insulté son employeur et annoncé son absence non autorisée alors même qu’il venait de faire l’objet d’une mise à pied disciplinaire pour des absences injustifiées, a pu, sans avoir à effectuer une autre recherche, retenir que le comportement du salarié justifiait la rupture immédiate de son contrat ;

Que le moyen, qui n’est fondé dans aucune de ses branches, doit être rejeté ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi ;

M. Bailly, conseiller faisant fonction de Président

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